On nous dit (dans la “Lettre aux éducateurs”) qu’il n’existe pas de liberté sans règles. Un homme n’est vraiment libre que s’il obéit à des règles. Aussi curieux que cela soit, ce paradoxe est devenu un lieu commun : soyez obéissants et vous serez libres… Cette idée serait-elle un mensonge politique ?
Il y a quelque chose d’incroyable dans cette idée. Comment être libre si on nous empêche par des règles de faire ce que nous voulons ? Les exemples de frustration et de renoncement à nos désirs à cause de règles qu’il faut respecter sont innombrables. Nous sommes frustrés de n’avoir
pas pu : la règle est une limite fixée à nos possibilités.
Mais est-ce bien cela, être libre : réaliser toutes ses possibilités ? Cette idée est tentante, mais elle est très abstraite, disons même qu’elle est complètement irréalisable ; ou alors il faudrait vivre entièrement seul et faire à chaque instant ce que l’on veut, sans déranger personne. Mais cette liberté aurait-elle un prix ? Cette liberté aurait-elle un goût ? Serait-elle même
sentie ?
Sentir le prix de la liberté, c’est vivre avec d’autres en sachant qu’on ne sera pas dérangé ; c’est avoir l’
assurance que d’autres ne me gêneront pas à tout instant. En somme la vraie liberté est une liberté sociale, mais
protégée. Sans cette assurance, je suis dépendantdu moindre caprice d’autrui. Je ne suis pas libre, mais j’ai peur.
La liberté tient dans cette absence d’inquiétude, lorsque je sais que dans la plupart des situations personne ne viendra rompre ma tranquillité. Mais à cela il y a une condition : l’existence d’une
règle qui nous empêche réciproquement de nous priver de liberté.
Il n’y a pas d’autre moyen : il faut assurer cette liberté en la limitant. Il n’y a pas d’
autre liberté. Mais nous aimons toujours croire à autre chose…
La lettre aux éducateur