Vahid : « l’algérie est la seule équipe qui méritait de gagner le mondial »

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DZSatien Légendaire
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23/3/11
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Après trois mois passés en Turquie, Vahid Halilhodzic a quitté le banc de Trabzonspor mi-novembre. Pour Francefootball.fr, le technicien a accepté de revenir sans langue de bois sur cet épisode, mais aussi sur son aventure avec l'Algérie au Mondial qui l'habite encore, et pour toujours. Entretien.


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«De quelle manière s’est terminée votre aventure avec Trabzonspor ?
Le président du club est mon ami personnel. On a discuté et fait le choix d’une résiliation à l’amiable. A un moment donné, quand vous vous retrouvez à la tête d’un projet aussi complexe, il vous faut plus de temps. J’ai été recruté pour être champion dès cette année avec cette équipe. A mon arrivée, j’ai découvert autre chose. Dans les faits, sur ce que j'ai vu, il aurait fallu au moins trois années pour espérer gagner le Championnat de Turquie. Ce constat, je l'ai fait dès le premier jour...

Vous attendiez-vous à une telle issue ?
Les résultats n'étaient pas si mauvais. La qualification était quasiment acquise en Europa League. On a fait quelques matches nuls qu'on aurait pu transformer en victoires en Championnat. Ce ne sont pas les résultats qui sont la cause de mon départ. On serait vraisemblablement remonté et on aurait fini troisième ou quatrième. C'est une certitude.

Avez-vous été victime de la pression du résultat immédiat ?
Tout le monde est dans cette situation. C'est partout pareil. Le Paris-SG est dans l'urgence pour devenir champion d'Europe, et cela ne se fait pas comme ça. Il y a aussi Manchester City avec son projet entre guillemets artificiel. On a recruté 21 joueurs. Après les premiers tests, j'ai tout de suite remercié quatre joueurs. Encore une fois, cela ne se fait pas comme ça. Après un travail intense et très délicat avec l'Algérie, j'ai repris un projet cinq jours après la fin de ma mission. Je crois que cela a été prématuré. Il fallait que je me repose. C'est pour ça que j'ai pris une sage décision.


«Je ne fais pas de publicité en appelant les journalistes. Je ne passe pas sur Bein Sport, Canal + pour donner des leçons à tout le monde»Regrettez-vous ce choix alors que vous veniez de réussir une énorme performance avec l'Algérie au Brésil ?
Peut-être que je le regrette… Mais j'ai donné une parole il y a plusieurs années à ce président qui est mon ami. Il m'a sollicité pendant des mois et des mois. Je lui ai dit que je viendrais. C'est vrai qu'après la Coupe du monde, j'ai eu des propositions plus intéressantes sportivement et financièrement. Mais c'est une décision qui peut paraître étrange et que peu de gens ont compris. Mais «Vahid » a donné sa parole.

Quel est désormais votre état d'esprit ?
Je dois me reposer un peu. Vous savez, en quelques jours, j'ai déjà reçu une dizaine de propositions, et même en France. Je sais très bien comment ça marche dans ce milieu. Je ne fais pas de publicité en appelant les journalistes. Je ne passe pas sur Bein Sport, Canal + pour donner des leçons à tout le monde. Je ne fais pas ça. Là, ce matin (lundi 17 novembre), j'ai eu deux propositions fermes.

Un retour en Ligue 1 est-il envisageable ?
Certains clubs m'ont déjà appelé. Pourquoi pas. Mais j'ai dit qu'il fallait que je me repose un peu. J'en ai un peu marre des projets d'équipes qui sont dans des situations difficiles. Ce matin, j'ai été appelé par la Fédération de Bosnie pour parler de la situation de la sélection (Safet Susic a été limogé ce mardi). Ce sont des projets qui demandent une énergie très importante sur plusieurs années, avec un travail invisible. C'est comme ce que j'ai déjà vécu avec Lille. Ce ne sont pas des décisions qui se prennent comme ça, et tout seul.


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On imagine que ce sont logiquement des équipes en difficulté qui vous contactent à ce moment de la saison...
Oui, c'est vrai. C'est aussi pour cela que je ne suis pas si pressé que ça. Je peux attendre jusqu’en juin. L'effet de la Coupe du monde a été incroyable. Avec du recul, je pense à la Côte d'Ivoire avec qui je m’étais magistralement qualifié, et où on m'a remercié juste après la CAN 2010. Et quand je vois ce Mondial au Brésil, j'ai beaucoup de regrets de ne pas être allé avec la Côte d'ivoire en Afrique du Sud. On aurait pu aussi aller très loin. Mais je sais pourquoi ça n'a pas marché. L'autre jour, Didier Drogba et Yaya Touré m'ont appelé pour me dire que seul Vahid Halilhodzic aurait pu faire quelque chose avec les Eléphants. Enfin, pour des projets comme ça, il faut d'abord régler les problèmes en dehors.

Avez-vous été contacté par Bastia ?
Euh... J'ai besoin de me reposer un peu. Quand vous commencez un projet sportif comme avec l'Algérie, c'est beaucoup de travail. Quand je suis arrivé, le pays était au-dessus de la cinquantième place FIFA, onzième ou douzième à l’échelle africaine. Aujourd'hui, ils sont largement premiers sur le continent et quinzièmes au niveau mondial. C'est la seule équipe arabe qualifiée au deuxième tour. C'est l'équipe africaine qui a marqué le plus de buts dans la compétition. On a inscrit plus de buts en une Coupe du monde que lors de toutes les autres phases finales jouées par l'Algérie. Quand j'ai pris l'équipe, elle ne faisait pas plus de 200 passes par match, on est monté à plus de 500. Voilà, tous ces chiffres pour vous démontrer à quel point j'ai travaillé !

La cote du joueur algérien est à la hausse en Europe. Estimez-vous les avoir libérés grâce notamment à cette Coupe du monde réussie ?
Oui, le Mondial a été un déclic. Il y a des joueurs qui se sont révélés, comme Yacine Brahimi. C'est un joueur qui était remplaçant à Rennes, puis à Grenade, il ne jouait pas toujours. Et maintenant, il s'impose à Porto. Le Mondial a permis de découvrir le buteur Islam Slimani, de montrer le talent de Feghouli. Et puis, j'ai vu ce garçon Riyad Mahrez. Au mois de mars, j'ai regardé neuf matches complets de lui avec son club de Leicester. Une semaine après, on l'a appelé. Derrière tout ça, il y a un travail énorme, énorme, énorme...


«C'est vraiment quelque chose que je ne peux pas oublier, de voir des millions et des millions de personnes qui criaient votre nom... Pour en arriver là, j'ai tellement travaillé...»Reprendrez-vous du service plutôt avec une sélection ou un club ?
(Dubitatif...) Ecoutez, si je vous dis quels sont les grands clubs européens qui se sont intéressés à moi après le Mondial... Mais je ne pouvais pas accepter parce que j'ai donné ma parole. C'est bizarre...

Quels sont ces clubs ?
Non, non. Je ne le dirai pas. C'est du passé.

Votre passage à la tête de l’Algérie restera-t-il le meilleur moment de votre carrière ?
J'ai vécu beaucoup de choses. Cet accueil à Alger, je crois qu'il y avait plus d'un million de personnes. C'est vraisemblablement mon meilleur souvenir professionnel. (Emu...) C'est vraiment quelque chose que je ne peux pas oublier, de voir des millions et des millions de personnes qui criaient votre nom...Pour en arriver là, j'ai tellement travaillé... Et ce n'est pas seulement sur le terrain, mais aussi en gérant l'extérieur. L'énergie ? Je suis devenu prisonnier de ce travail.

Ce huitième de finale où vous avez poussé l’Allemagne (1-2 a.p.) dans ses retranchements a marqué les esprits. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Jusqu’à présent, je n’en ai pas beaucoup parlé. Mais face à l'Allemagne, tactiquement, j'étais au point car j'avais ce qu'il fallait en ma possession, les fichiers étaient déjà prêts. Je peux même faire un livre là-dessus avec tous les détails que vous ne soupçonniez pas. On a bien joué, mais pour en arriver là... L’Algérie est la seule qui méritait de gagner le Mondial.

A ce point…
Pendant ma préparation en Autriche avec Trabzonspor, beaucoup d'Allemands et d’Autrichiens ont voulu prendre des photos avec moi. Je n'avais jamais vécu cela. Après ce match, j'ai senti que beaucoup de Brésiliens avaient apprécié notre jeu. Un jour, je raconterai tout, peut-être par le biais d’un livre. Il y a eu mon travail tactique souterrain, l'approche psychologique, culturelle et sociale des joueurs... On est passé à côté d'un exploit qui aurait pu être l'un des plus grands de l'histoire du football moderne. On n'était pas loin du tout... Mais je sais aussi pourquoi on ne l'a pas fait.

Pourquoi ?
(Rires...) Tout ça, je le dirai un jour.


Regardez-vous encore les matches de l'Algérie ?
Non, je n'ai pas regardé un seul match. C'est du passé. Et surtout, je ne veux pas faire de commentaires sur le jeu parce n'importe lequel de mes mots pourrait être mal interprété par la presse algérienne.

Pourtant vous êtes très apprécié en Algérie...
Oui, les Algériens m'aiment, et ça personne ne pourra me l'enlever mais les journalistes algériens... Les médias ont tout fait pour donner une image qui n'est pas la mienne. Vous savez, partout où je vais, les Algériens que je croise me sautent dessus. Ils me scandent "One, two, three Viva l'Algérie". Quand j'arrive à l'aéroport à Paris ou ailleurs en France, les taxis se battent pour me conduire où je veux et gratuitement. C'est le plus grand trophée que j'ai gagné. Rien ne peut remplacer ça, l'argent, les récompenses... Ce peuple m'a donné la plus belle des choses, et je n'oublierai jamais. Le président Bouteflika m’a reçu et m’a demandé de rester. Des joueurs continuent à m'envoyer des messages d'amitié, enfin pas tout le monde. C'est comme ça.

Retournerez-vous un jour en Algérie ?
Oui, pourquoi pas. J'ai des amis là-bas. J'ai vécu là-bas trois ans intenses. Peu de personnes auraient imaginé que ça se termine comme ça. Lors de mon premier stage à Marcoussis, j'ai repris une équipe dans un état catastrophique. Elle sortait d'un mauvais Mondial. Les joueurs ont pris la parole, et ont dit tout ce qui n'allait pas. A la fin de ce stage, je voulais tout arrêter car pour moi cela paraissait une mission impossible. C’est mon adjoint Nordine Kourichi qui m'a convaincu de rester.»


 
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